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02 Sep

Affrontement

Publié par Clément RAULIN

Lutte

Des ombres se levèrent entre les branches, glissèrent dans la brume matinale. Le doux chuintement du feuillage, encore épais, trahit leur passage aussi léger qu’il puisse être. Dans les vapeurs montantes de la chaude terre, la toile de tente lui apparaît sublime avec ses couleurs royales aux mille reflets. Il en exhalait une sensation de calme, un mirage serein venu trahir la confiance des guetteurs.

 

 Appuyé à un arbre, dos à son objectif, le plus grand d’entre eux souffrait, visiblement, d’impatience. Chacune de ses veines, offertes à la vue de ses contemporains par un habit noir collant, tremblaient en rythme avec l’agitation à peine perceptible de ses pupilles. Sur son visage de cuir, un sentiment d’effroi se laissait voir.  Lui-même, il put lire sur la face de ses hommes, allongés sur le tapis de feuilles moites de la forêt, les même pensées. Pourtant, les sacs emplis de munitions, lance-flammes et autres explosifs transportés par la troupe, devraient les rassurer. Les cheveux mi longs de Moristo, trempés par sa sueur corporelle, lui collait au visage. Il lui donnait l’aspect d’un catcheur dont sonne la fin du combat. En camouflage, il portait une sombre combinaison qui se parfait à ses muscles fins surmontée d’une longue veste de cuir noir sous laquelle était dissimulé un fusil high-tech. L’homme le plus près de lui, couché sur le côté, portait en plus, accroché sur ses épaules, un lourd sac relié par deux branchements à une arme étrange. Ses yeux cachés par deux fins verres fumés, avec ses courts cheveux blonds et son col roulé, lui donnait des allures de tueur. Derrière lui, couché sur le ventre et venant de front, se trouvaient quatre autre soldat, tous vêtus de même. Ils tenaient fermement des armes en céramique de la main droite ; de la gauche, ils maintenaient en place de longs couteaux fixés à leur ceinture.

 

« Insouciant », pensa Moristo en examinant la mine déterminée de chacun des hommes du docteur. Comme lui, ils faisaient tous parti de l’ordre en la qualité de chevalier ; il en était le maître désigné par l’assemblé depuis plus d'un siècle. La plupart venait des bas-fonds de la cité et avait acquis leur lettre de noblesse lors de la révolte. Contrairement aux anciens, on leur avait, volontairement, tout caché de la nature de l’être à abattre. Ils ne devaient qu’exterminer un des derniers rebelles, un gourou sur le retour jugé dangereux. Dangereux, leur employeur s’était évertué à user d’un doux euphémisme pour qualifier l’être à tuer.

« Qu’attendons-nous ? Murmura l’homme de tête.

  • L’ordre du patron, sergent. Il devrait arriver d’une seconde à l’autre. Moristo se demanda alors quand la situation lui avait échappé. Selon l’ordre des choses, son seul chef se trouvait être l’assemblée des Fils et non le gouverneur, et encore moins une de ses Lieutenants.
  • Quelque chose cloche, grand maître ?
  • Non, j’ai juste un peu froid. Restez confiant, il s’agit juste d’une mission de routine. Cessez toute communication. »

Un silence s’en suivit, à peine perturbé par la chansonnette d’un oiseau. Sous la toile, un bras bougea, puis une jambe et enfin, une tête émergea d’un drap encore tiède des ébats. Dehors, le soleil brillait déjà haut quand Franck daigna ouvrir les yeux., un peu las de cet amour mortel. Entre ses bras engourdis, Thèbe gardait les siens éternellement fermé sur la réalité en marche. Sans savoir, ni pourquoi, ni comment, le vampire se doutait qu’il ne lui serait jamais plus donner d’en admirer la pupille. Seul ses doigts fins galopant sur le marbre de son dos lui indiquait son état d’éveil.

 

« Comment allez-vous chère Thèbe ?

  • Bien, mais quelque chose m’inquiète ?
  • Qui ? Questionna-t-il en resserrant son étreinte.
  • Tu es froid. L’effet de la potion s’estompe. Demain, tu seras redevenu un vampire. Il nous faut nous presser si nous voulons atteindre notre objectif avant.
  • Ne puis-je en reprendre ?
  • Au début, les doses doivent être espacées. Moristo est devenu ainsi qu’après un an de traitement.
  • Et, quel est ce but ? »

La réponse resta suspendue à ses lèvres. Thèbe se retourna en silence pour se vêtir. Moins vif au lever, Franck chercha ses vêtements quelques minutes, avant de découvrir ce pyjama rayé gris dont on affuble les malades.

« Rien d’autre ? »

D’un signe désolé de la tête, Thèbe apporta une négative en souriant, avant d’indiquer de la tête des habits bien plié et une longue arme blanche.

Désappointé, Franck sortit pour aller aider au harnachement des chevaux. Ses lointains souvenirs sur le sujet se révélèrent alors fort utile.

 

« Il commence à ranger. Tenez-vous prêt.

  • A vos ordres maître. »

Un sourire étrange s’afficha alors sur le visage des cinq hommes. Du haut d’un gros chêne, Doriande leur répondit de l’ironie du sien. Elle ne pouvait s’en empêcher à la vue de ses fougueux suivant les ordres de cet animal hors de propos. Doucement, tel un serpent, les cinq guerriers glissèrent sur la terre. Ils stoppèrent à une dizaine de mètres des deux amants affairés à conditionner leur charge dans le chariot.

 

« Deux sur ma gauche, Deux à droite. Sergent en position. L’ordre sonna clair mais sans conviction. »

 

Rapide comme une foudre d’été, les soldats s’exécutèrent.

 

 « Attaque, Grogna Moristo. »

 

Alors que Thèbe fixait la tente à l’arrière, Franck se fit proche. Il colla sa bouche à son oreille et, lui susurra dans un baiser :

 

« Si tu veux revoir ton père, couche-toi sur l’instant. »

 

Au moment où la fille de Khyuma se jeta sur le sol, une longue lame de feu vint couler sur le chariot. Le drap s’embrasa dans une violente explosion. Sur la diversion, deux hommes surgirent des fourrés pour arroser l’immortel de leur balles qu’il, d’un bond, esquiva sans mal. Deux autres se jetèrent sur les bridons des chevaux pour les dételer. Fou de rages, ils se cabrèrent, arborant l’ébène de leur sabot. A la vue de cette arme animal, un des guerriers se jeta sur la gauche. L’autre malheureux, paralysé de peur, s’emmêla dans ses pieds : son crane fut proprement ouvert par les fers de l’animal. Le visage dans l’herbe, le premier tenta de ramper. Mais, il était déjà trop tard pour son pauvre corps et, c’est dans un cri de douleur qu’il accueillit la fureur de l’animal sur ses reins.

 

Derrière, les deux flingueurs cherchaient dans la fumée les traces de leurs ennemis. Le sergent qui avançait vers eux, accompagnait leur regard ; le lance-flamme bien ancré sous ses aisselles.

 

Resté à son arbre, Moristo observait, de plus en plus inquiet pour l’avenir de cette troupe de novices. En bas, les hommes, dos à dos, formaient désormais un triangle prêt à recevoir un assaut. Soudain, le maître sentit une corde l’envelopper, son cou se serra sous l’étreinte trop rapide même pour lui. Surpris par son manque de perspicacité, il lâcha son arme dans un cri rauque. Ficelé au tronc de son arbre, il vit Franck s’emparer de l’arme.

 

Au chariot, le sergent venait de saisir Thèbe qui se terrait sous les débris fumant du véhicule. Nullement impressionné par sa majesté, le rustre la tenait fermement contre son torse, une arme de poing sur la tempe.

« Sortez de votre trou, ou je l’abats. »

 

Moristo voulut crier, mais il ne le put. Soudainement conscient du grotesque de sa situation, il banda ses muscles ; le lien lâcha dans un bruit sec. Il se maudit encore une fois ; il était trop tard. Surgissant comme un diable, le soleil dans le dos, Franck abattit la cross de son arme sur la figure du sergent. Le visage en sang, il s’écroula. Dans un bond, les deux autres soldats se désolidarisèrent, pointant leur armes sur l’intrus. Le vampire retourna son arme pour les accueillir de deux rapides rafales.

 

Dans les yeux du vampire, brillait la rage du prédateur, la folie du félin en chasse. Thèbe, peu surprise de la vélocité de son amant, courut dételer les chevaux. Elle enfourcha le plus petit des deux et l'élança au galop pour fuir. Cent mètres passés, elle se retourna sans illusion : Franck était resté impassible, ferment ancré sur ses pieds, il observait l’autre représentant sursitaire de sa race. Tel un prince, il avançait face à son adversaire, assuré de périr ou de tuer dans la dignité.

 

Une brume opaque s’éleva de la terre. Une large volute de soie blanche, elle enlaça leur mollet avant de s’installer à hauteur de genoux. La clairière était devenue une arène de sable blanc, une arène ultime prête à recevoir le sang de l’impie. Ebahi par la scène présente, Thèbe stoppa et alla se placer en orée du bois.

 

Moristo s’arrêta à cinq mètres de Franck ; son manteau ondulait légèrement dans la brise moite. Une chemise de flanelle, un pantalon noir sertit d’une ceinture où pendait une épée au pommeau d’ébène habillaient son ennemi. Leur peau semblait se tanner sous les chauds rayons matinaux du soleil ; leurs cheveux foncés, ébouriffés par le vent, recouvraient en vague l’abysse de leurs yeux emplis de haine et d’amour.

 

Sans protocole, sir Dumar laissa tomber son arme moderne et, porta sa main au côté. En réponse, Moristo ôta son manteau d’un ample geste déconcertant. Le cuir enveloppa le chasseur aux yeux de Franck. Et, quand le manteau disparut enfin dans les nimbes, sir Delabre apparut, une lame d’acier à la garde d’argent en main droite. Une larme perla à la frontière des paupières de Thèbe, quand Franck sortit de son fourreau sa propre arme. Il en salua son adversaire. Souriant, Moristo lui rendit son hommage avant de s’élancer dans l’assaut.

 

Les lames se rencontrèrent dans un son sec et franc, aucun ne fléchit. Les coups s’ensuivirent accompagnés d’éclairs bleutés d’une rare violence. Aux percées succédèrent les parades et contres attaques, aux fentes, les esquives, aux bottes, d’autres bottes plus perverses et achevées. Mais, aucun ne céda de terrain sur son adversaire. Dans la fureur du combat, leur visage se rapprochait sans cesse, avant de reculer dans une bouffée d’atmosphère soufrée. Malgré le niveau des deux combattants, et l’apparence d’une égalité dans les frappes, la lutte paraissait acquise ; affaibli par son paradoxe, Moristo reculait imperceptiblement. Chaque attaque plus appuyée de Franck le poussait à la retraite. Il ne reprenait jamais franchement le dessus sur son adversaire. Conscient de ses faiblesses, il cherchait, pas à pas, le refuge de la forêt proche. A dix mètres de sa retraite providentielle, il ouvrit sa garde. Peu méfiant, le vampire s’y engouffra, trébucha dans le vide ; le maître courrait déjà sous les fourrés.

 

Chasseur, Franck s’élança à sa poursuite. Bondissant d’arbre en arbre, il surplomba bientôt la bête traquée. Son rire féroce retentit dans les sous-bois, agressa l’ouï fine de son ennemi qui lâcha son arme inutile. Autour de lui, éclata, dans les ténèbres, les tumultes de son poursuivant. La meute se rapprochait. Le cerf, au bord de l’épuisement trébucha, fit quelques foulées sur les genoux et repartit. Son flair délicat s’emplissait de l’odeur suave des chiens sur ses talons, et de l’abîme enivrante des chasseurs perchés sur leur chevaux en cavale. Il galopait de plus en plus maladroitement, saoul de fatigue et de terreur.

Soudain, la forêt se tut ; les chasseurs se regroupaient quelque part, s’apprêtant à donner l’assaut final. Le maître de meute se tourna vers le sonneur. On sait l’animal proche, épuisé, prêt à s’offrir au couteau, reste à sonner l’hallali.

 

Le fuyard s’adossa à un arbre. Ereinté, il ne sentait plus la présence des poursuivants.

 

La bête traquée, surpris par la trêve, ralentit son allure. Le cœur au fait de sa vitesse, elle se reposa à l’abri d’un buisson. Tout à coup, dans un étrange silence, le cavalier apparaît, entouré de sa meute.

 

Franck surgit de la brume, le pas nonchalant, son arme de fer pendant au bout de son bras. Elle éclata, foudroyante comme l’éclair, pour venir percer dans un bruit feutré, le cœur de l’ennemi. Doucement, la bête s’affaissa sur elle-même poussant un dernier brame dans la nuit.  Les mains serrées sur sa poitrine, Moristo glissa le long du tronc sans lâcher du regard les yeux de son bourreau. Puis, avec un ultime sourire aux lèvres, il s’abat face au sol. Franck s’assit à ses côtés, hotta de ses chausses un long couteau et lui coupa la tête sans autre forme de procès.

 

L’homme grimpa sur son cheval, abandonnant le corps du cervidé à ses suiveurs.

Chancelant, le vampire se releva, fit quelque pas en direction de la clairière. Mais, la brûlure du soleil sur son dos le stoppa. Les effets de la potion s’estompaient plus rapidement que prévu. Sans autre choix, il prit le parti de s’enfoncer au plus profond de la terre pour échapper aux rayons salvateurs. Il ne reverrait pas sa tendre et douce dans l’immédiat.

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